lundi 8 novembre 2010

Lecture : Bioéthique et liberté

Ce petit livre est l'entretien, réalisé par Christian Godin, de deux philosophes aux idées opposées en matière de philosophie de la technique. Le premier, Axel Kahn, est un philosophe prudent. Il considère grosso modo que la recherche scientifique doit recevoir des bornes, sous peine de devenir inhumaine. La science doit respecter quelques principes et valeurs fondamentaux. Le second, Dominique Lecourt, est plutôt de l'espèce des enthousiastes. Il estime qu'il ne faut pas freiner la recherche, et que l'homme doit utiliser la science pour se réinventer en permanence.

La lecture de ce livre est vraiment agréable car les deux protagonistes s'expriment dans un langage clair et sans langue de bois. Ils s'attachent aussi à éclairer leurs différences, sans jamais se défiler face à un argument adverse particulièrement fort.

Christian Godin pose successivement quatre questions :
  1. Qu'est-ce que l'humanisme ?
  2. La biologie contemporaine est-elle encore humaniste ?
  3. Y a-t-il une posthumanité à venir ?
  4. Quelle est la fonction de la bioéthique dans la société d'aujourd'hui ?
Cela nous intéresse ici, parce qu'il est question des limites de la science et de la condition humaine. Tandis que Lecourt s'attache à montrer que l'homme construit ses propres valeurs, sélectionne ses préférences éthiques, Kahn essaie de faire ressortir une spécificité humaine, un dénominateur commun à tous les hommes. Il ne parle pas de nature humaine, ou de dignité humaine. Pour lui, la spécificité humaine est le sentiment d'être le sujet de sa vie. C'est donc la liberté et la responsabilité qui doivent être les principes fondamentaux auxquels la science ne peut pas toucher. Il faut préserver l'autre, et son aspiration à la liberté (et donc rejeter le clonage, la sélection du sexe de l'enfant à naître...).

Lecourt, lui, insiste plutôt, sans être un prophète technoscientifique, sur l'importance de la technique et prétend qu'elle n'est pas à craindre (du moment qu'elle ne menace pas directement autrui). Il réfute les objections de Kahn. L'homme peut modeler son corps à sa guise, et même intervenir sur le génome de ses enfants. Pour lui, l'homme ne deviendra jamais "post-humain", sa seule nature étant, pour toujours, puissance de dépassement.

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