vendredi 28 janvier 2011

Vivre 130 ans, l'incroyable révolution de la science

 Le Figaro magazine de la semaine du 8 janvier est intitulé "Vivre 130 ans, l'incroyable révolution de la science". Il est majoritairement consacré à l'immortalité future de l'homme, grâce aux découvertes de la biologie moléculaire et de la génétique (il y a d'ailleurs une interview de Joël de Rosnay disponible en ligne). Ce thème ne m'intéresse pas principalement sur ce blog, mais le numéro contient aussi quelques passages sur l'amélioration des capacités humaines.

Vous pouvez consulter un tableau des améliorations possibles, ou l'équivalent sous forme de texte.

Il y a également une intéressante intervention de Jean-Michel Besnier qui exprime ses réserves sur l'idéologie transhumaniste.

mardi 25 janvier 2011

Classification et définition du BCI

Selon Ray Kurzweil, l'avènement de la singularité portera à son terme la fusion entre l'homme et la machine. A ce moment, la frontière entre la naturalité et l'artificialité sera effacée. Dans cette optique, il était intéressant pour moi d'examiner les signes avant-coureurs traduisant un début de porosité de cette frontière.

Le thème sur lequel je me suis donc penché est celui des interfaces cerveaux-machines, ou interfaces neuronales directes. En effet, il parait évident que cette relation particulière entre l'homme et la machine contribue à atténuer la distinction devenue classique.

Je ne discuterai pas encore ici des exemples d'applications d'interfaces, ou des questions éthiques soulevées par elles. Je me contenterai dans un premier temps de tenter une classification, une typologie, des différentes interfaces. Je m'aide pour cela de sources diverses et variées, mais surtout du rapport sur les implants TCI élaboré par le Groupe Européen d'Ethique des sciences et des nouvelles technologies (GEE).

Les implants utilisant les technologies de l'information et de la communication (TIC) sont déjà légions, et ont encore tout l'avenir devant eux. Les interfaces cerveaux-machine sont une partie de ceux-ci. Elles peuvent être divisées, pour des raisons de facilité, entre les interfaces destinées à réparer des fonctions humaines altérées (implant cochléaire, rétinien, membres artificiels...) et les interfaces destinées à l'amélioration de l'humain ou de son confort (vision infrarouge, implant prophétique cortical, hippocampe artificiel pour améliorer la mémoire...).

Parmi ces deux catégories, il faut distinguer les interfaces selon leur caractère plus ou moins invasif (des simples applications EEG aux électrodes intracorticales), et leur réversibilité (peut-on les enlever facilement ? peut-on les arrêter sans préjudice ?...). Parallèlement, il faut encore voir si les implants sont à lecture seule, s'ils permettent aussi l' "écriture", et s'ils sont géolocalisables. Enfin, il faudra porter son attention sur leur caractère autonome, ou sur le fait qu'ils soient en ligne ou hors-ligne.

Selon tous ces critères, les implants seront plus ou moins dangereux, plus ou moins souhaitables et devront, selon le GEE, parfois être interdits.

samedi 22 janvier 2011

L'amélioration à des fins belliqueuses

Lors du précédent article, j'ai succinctement abordé un des modes de financement des objectifs transhumanistes. Les Etats, en finançant la recherche armée, contribuent aux recherches transhumanistes. Il est question d'améliorer les soldats (faculté, performance, sécurité...), à la fois pour rendre leur tâche plus facile, mais aussi pour leur permettre d'être plus efficaces... c'est-à-dire plus puissants pour une victoire sans concession.

Mais ces recherches sont, semble-t-il, pour l'instant, plus ou moins à l'arrêt. L'urgence de la situation en Irak et en Afghanistan est bien sûr passée avant ces recherches purement prospectives. Il y a eu aussi le rapport du comité bioéthique du président Bush, qui s'est clairement positionné contre l'amélioration de l'humain. Tout ceci a contribué à reporter les recherches pour faire du soldat un combattant sans faille.

Le DARPA a d'ailleurs revu à la baisse ses objectifs. En 2002, il voulait permettre à l'homme d'exploiter au maximum ses capacités, et même d'en découvrir de nouvelles. En 2007, il n'avait plus que la prétention de maximiser les capacités humaines, sans avoir la prétention de rendre l'homme meilleur que ce qu'il peut être. En 2008, son programme de recherche était dirigé simplement vers l'optimisation des performances.

Cela ne veut pas dire que les objectifs d'amélioration ont été oubliés ; cette situation n'est que temporaire, et puis, après tout, l'optimisation et l'amélioration ne sont pas de nature différente. Il est toujours de se poser des questions sur l'amélioration à des fins militaires : peut-on faire la part des choses entre l'acceptable et l'inacceptable ? peut-on accepter que l'amélioration soit exigée par la hiérarchie militaire ? est-ce que cela a un sens dans nos régimes démocratiques ? que peut-on exporter du militaire vers le civil ?

mercredi 19 janvier 2011

Financer le transhumanisme

Aujourd'hui, j'aimerai résumer un article qui a paru sur le site Mediapart, de la plume de Jean-Paul Basquiat (du site Automates Intelligents). Cet article intitulé "Qui alloue les crédits nécessaires aux recherches scientifiques du futur ?' date du 28 décembre 2010.

Dans cet article, Basquiat explique pourquoi il aimerait que les recherches scientifiques, financées par les Etats et les grandes entreprises (et donc dirigées dans une certaine direction), soient plutôt financées par le grand public (par des processus qui demanderaient davantage d'explications). Dans ce cas de figure, les recherches pourraient enfin correspondre aux besoins du public, et cesseraient d'être des secrets bien gardés.

Actuellement, l'armée, par exemple, possède d'énormes budgets pour ses recherches militaires... Ok, ça va de soi. Mais parmi ses recherches, il y en a de bien moins évidentes et acceptables : les recherches concernant l'amélioration du soldat, tendant vers la posthumanité. Le problème avec ces recherches, et donc avec le posthumanisme, c'est qu'elles ne seront jamais accessibles qu'à une catégorie de pays privilégiés (les USA, la Chine) et parmi ses pays, à une proportion ridiculement basse de la population. Les premiers seront améliorés, sauvegardés, au détriment des autres qui seraient anéantis.

dimanche 16 janvier 2011

Sélection de liens

  • Colloque "Mobilités numériques" organisé le 14 mars 2011, à l'université de Toulouse: il y sera question de technologie, du rapport de l'homme aux informations et aux réseaux, et de transhumanisme (entre autres).
  • Encore un article sur les Memristors qui pourraient à terme permettre de simuler le fonctionnement des neurones du cerveau humain. A lire avec attention (je ne l'ai moi-même pas encore fait).
  • Conférence (audio ou vidéo, en français) sur la figure du scientifique (Prométhée, Faust, Janus...) face à l'amélioration. Comment le scientifique compose avec notre imaginaire. Comment l'art et la littérature répondent-ils au changement de paradigme de l'anthropocentrisme au technocentrisme. (6MIN)
  • Appel à contribution de la revue Chimères pour la 75ème numéro, sur le thème "Hybride, trans-humain, post-humain, cyber.machin". Avis aux intéressés.
  • Un article un peu pessimiste quant à l'efficacité des casques EEG (capteurs neuronaux) notamment utilisable dans des jeux vidéos, ou lors de performances artistiques.
  • Demain aura lieu la première conférence de l'association transhumaniste française, à la Sorbonne.

jeudi 13 janvier 2011

Bricolage biologique

On associe souvent avec le transhumanisme une espèce d'optimisme scientifique qui tire vers un technoprophétisme parfois délirant. C'est vrai après tout ; qui pourrait sérieusement croire un type qui prétend connaitre les futures avancées technologiques de l'humanité ? Oui, le monde change (dire de plus en plus vite serait un euphémisme), mais rarement de la façon la plus attendue. Les machines intelligentes d'ici 2030... mon cul peut-être.

Pourtant, il y a aussi des gens convaincus par le transhumanisme qui évitent de tomber dans cet écueil du délire mediumnique. Pour eux, si le transhumain émergera un jour, il ne faut pas le voir comme une exception dans l'histoire humaine, comme un robot surpuissant dépassant la vieille relique humaine jusqu'à abandonner toute forme corporelle. Il faut plutôt le voir comme un homme de tous les jours, sans rien d'exceptionnel, complètement commun, qui déciderait pour se différencier, pour se distinguer, pour éprouver une nouvelle relation au monde d'entreprendre une modification corporelle qui l'amène à connaitre de nouvelles sensations, ou de meilleures sensations.

Un article de Wired présentait l'autre jour Lepht Anonym, une "artiste" transhumaniste. Elle appartient selon moi plutôt au deuxième genre de gens convaincus par le transhumanisme. Elle embrasse une version très humble du transhumanisme... Hormis cette particularité qu'abandonnée par la médecine thérapeutique conventionnelle, elle a décidé de se prendre en main elle-même, s'opérant elle-même dans sa cuisine, dans une hygiène douteuse, pour bricoler des "améliorations" de son corps. Vous êtes sceptiques ? Cela s'appelle la Do It Yourself Biology.

lundi 10 janvier 2011

Cory Doctorow : présentisme radical

Cory Doctorow est un auteur de science-fiction qui vient de publier With a Little Help, un recueil de plusieurs nouvelles de sa plume, disponible sur son site web, sous plusieurs formats, et même gratuitement. Il n'en est pas à son coup d'essai, puisqu'il avait déjà écrit un premier roman, traduit en français sous le titre de Dans la dèche au royaume enchanté. L'auteur était en fait, à la base, un des fondateurs du très influent site Boing Boing, et il y contribue toujours.

Dans un article récent, il défend sa vision de la science-fiction : le présentisme radical (faute d'une meilleure traduction). Pour lui, l'écrivain de science-fiction n'essaie jamais de prédire le futur, mais il tente bien plutôt de cristalliser ses peurs actuelles, des problèmes actuels, en exacerbant tel ou tel aspect du présent dans un futur fictif.

Il prend l'exemple de la singularité pour montrer que ce n'est pas tant une extrapolation de ce que pourrait être le futur, qu'une projection de l'horreur présente des technophiles vieillissants qui voient émerger une nouvelle génération bien plus familière avec la technologie que la leur.

mercredi 5 janvier 2011

Culture littéraire et culture scientifique

Charles Percy Snow est un physicien anglais qui a prononcé, en 1959, une conférence à Cambridge, intitulée Les deux cultures. Il y défendait l'idée qu'il existe, dans le monde, deux cultures radicalement différente, et même hermétiques l'une à l'autre. La culture scientifique d'une part, et la culture littéraire d'autre part.

Tandis que la culture scientifique est une culture qui porte sur des signes et des chiffres qu'il faut comprendre, la culture littéraire, elle, est basée sur le langage et la métaphore qu'il suffit de lire. La première entend s'instruire du monde et le modifier. Elle le perçoit comme répondant aux mêmes codes que les siens. Elle est plutôt tournée vers l'avenir, vers ce qui est à faire, et prétend modifier la condition humaine. La seconde se contente plutôt de raconter le monde, ou même de l'ignorer pour lui préférer la pure pensée. Elle est plutôt tournée vers le passé, vers ce qui a été fait, et ne peut espérer modifier la condition humaine que symboliquement.

A cette opinion, le philosophe Gilbert Simondon rétorquera qu'il faut surmonter le clivage des deux cultures, en accordant sa préférence à la culture littéraire. En effet, le scientifique doit apprendre sa théorie dans les livres, et sa profession (et la technoscience) requiert une certaine réflexion, qui est bien de l'ordre de la culture littéraire. La culture scientifique ne semble donc pas hermétique à la culture littéraire, et ne peut donc pas faire l'économie de la réflexion.

dimanche 2 janvier 2011

Andy Clark défend l'Extended Mind sur Opiniator

J'avais déjà parlé d'Andy Clark comme un des auteurs de référence de ce blog (14 novembre). Le philosophe, spécialiste en sciences cognitives, a encore fait parler de lui ces derniers jours. En effet, il a publié le 12 décembre dernier un article sur le tout récent blog de philosophie du New York Times. Quelques jours plus tard, Andy Clark remettait le couvert avec une réponse aux objections soulevées dans les commentaires du premier article.

Le sujet de cette intervention est la théorie de l'Extended Mind (esprit étendu), que Clark avait défendu avec David Chalmers dès 1998. Andy Clark consacre tout un livre à cette question (Supersizing the Mind, 2008) et a paru récemment un ouvrage collectif d'articles discutant l'Extended Mind (Richard Menary, Extended Mind, 2010).

La question que pose Clark est celle-ci : est-il possible que l'activité qui nous permet de penser se déroule en dehors de notre cerveau ?

Cela peut paraître vraiment étrange, mais n'est-il pas vrai que lorsque nos mouvements sont entravés, notre réflexion s'effectue plus difficilement ? N'a-t-on pas aussi besoin du corps pour nous aider à penser ? De la même manière, nombre de personnes qui ont reçu une prothèse pour remplacer un membre semble l'avoir intégré comme une partie non-biologique de leur corps, plutôt que comme un simple outil. Clark émet l'hypothèse que plus la prothèse sera lié au cerveau par une interface non-invasive ou même invasive, plus elle prendra part au processus cognitif de l'individu concerné. Il imagine même que cette prothèse soit en fait un "explant", qui soit relié au cerveau mais pas au corps, par où pourrait avoir lieu une partie du processus cognitif. L'esprit n'est donc pas simplement le résultat de l'activité neuronale, mais est bien plutôt l'agrégat complexe composé des interactions entre le cerveau, le corps et l'environnement.

Cet article a suscité pas moins de 187 commentaires, auxquels Clark a tenté de répondre deux jours plus tard. Il reconnait évidemment une différence entre un cerveau et un smartphone. Si on perd le premier, cela sera plus dommageable que de perdre le second. Mais ce n'est pas pour autant qu'il faut exclure le smartphone des processus cognitifs, de l'esprit. En effet, nous pouvons perdre des neurones, un doigt... sans pour autant avouer par la même occasion qu'ils n'étaient pas inclus dans l'esprit eux aussi, avant de disparaitre. Une autre critique suggèrerait qu'il faudrait différencier ce qui fait le système cognitifs, de ses simples "inputs", mais Clark ne l'accepte pas. Il signale que s'il pense que l'esprit n'est pas tout entier contenu dans le cerveau, il n'en va pas de même pour la conscience.